Les origines de la lubrification dans le soufflage de câble : Un entretien avec l’expert Willem Griffioen
Willem explique comment la spécialisation chimique des lubrifiants a permis de faire progresser une méthode révolutionnaire d'installation mécanique des câbles de communication.
Ce qu’Albert Einstein était à la physique théorique et à la mécanique quantique, Willem Griffioen l’est à la physique pratique et à la mécanique du soufflage de câble. Bien que cela soit un peu exagéré, Willem a apporté des contributions importantes qui méritent d’être reconnues et célébrées. Il a littéralement inventé la machine et une grande partie de la technologie fondamentale aujourd’hui connue dans l’industrie des communications sous le nom de soufflage de câble, dans lequel le câble (le plus souvent à fibre optique) est traîné et poussé dans le conduit par la force de l’air comprimé, au lieu d’être connecté à un treuil et tiré à la force brute depuis l’extrémité opposée. Ce concept d’installation de câbles a été considéré comme radical lorsqu’il a été introduit pour la première fois dans les années 1980, mais c’est aujourd’hui une méthodologie omniprésente et globale connue par tous les artisans du métier. Willem a très vite compris qu’un composant crucial d’un soufflage de câble réussi est une lubrification adéquate. Cependant, lorsque les itérations des formules courantes de lubrifiant pour tirage de câble n’ont pas réussi à maximiser le potentiel des nouvelles machines à souffler de Willem, il a contacté Polywater pour une assistance chimique.
Dans cette session de questions-réponses, l’équipe de The Transmission s’est entretenue avec Willem Griffioen, docteur et ingénieur principal à Plumettaz S.A., pour explorer la pertinence, sur le marché actuel, de son invention révolutionnaire, des documents de recherche technique connexes, et de la collaboration précoce avec Polywater dans le développement de lubrifiants spécialisés pour optimiser les installations. La vidéo ci-dessous contient quelques moments forts de cet entretien. Pour lire l’entretien complet, continuez de faire défiler.
Q. Bienvenue, Willem. Nous sommes honorés d’échanger avec vous. Pouvez-vous commencer par nous parler de votre formation ?
R. J’ai commencé mes études supérieures à l’université de Leiden* où j’ai étudié la physique et les mathématiques avant de travailler quatre ans sur un doctorat inachevé. J’ai été honoré que mon formidable professeur italien m’ait choisi pour mener de nouvelles recherches sur la physique à basse température de l’hélium-3 superfluide et même, je l’espère, rapporter le prix Nobel à l’université. J’ai beaucoup appris là-bas, mais j’ai décidé de ne pas continuer et à la place, je suis allé travailler pour les PTT** néerlandaises en 1984, où j’ai inventé le soufflage de câble environ un an plus tard. J’ai obtenu mon doctorat plus tard dans la fiabilité des fibres, donc tout est bien qui finit bien.
Q. Nous sommes heureux que vous ayez décidé d’abandonner votre quête de l’hélium-3 superfluide et de concentrer vos talents sur la communication. Vos contributions à l’industrie ont été considérables, c’est le moins que l’on puisse dire. Pouvez-vous nous parler de votre histoire professionnelle et de votre poste actuel ?
R. J’ai commencé à travaillé pour le laboratoire de recherche des PTT néerlandaises avant d’aller chez Draka Comteq, Ericsson Cables et je suis aujourd’hui ingénieur principal pour Plumettaz.
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Q. Beaucoup vous considèrent comme le père de la technologie de soufflage de câble, puisque vous avez développé la première machine de soufflage de câble pour les PTT néerlandaises. Pouvez-vous nous raconter comment cela s’est passé ?
R. En 1986, les PTT ne pouvaient pas installer aisément leurs câbles par le tirage. Le service des opérations pouvait calculer les sections droites, la gravité, les coefficients de friction et l’effet de cabestan, mais ils ne comprenaient pas les longueurs de tirage limitées. Ils ne pouvaient tirer que 300 mètres maximum, malgré les prédictions annonçant que des tirages plus longs étaient possibles. Pour réaliser un tirage de 2,1 kilomètres, il fallait diviser la longueur en deux fois six sections de 175 mètres avec deux fois cinq cabestans en 8 à assistance intermédiaire. On commençait à tirer au milieu et on se déplaçait vers les extrémités, mais il y avait des problèmes de synchronisation entre le treuil et les cabestans. C’était un travail horrible à réaliser et très onéreux. C’était si long à faire qu’il n’était bien souvent pas possible de faire plus d’une direction par jour et le lendemain matin, le câble restant avait parfois disparu, pris par des voleurs de cuivre qui ne connaissaient pas encore le câble à fibre optique.
Le département central des PTT pensait que le facteur limitant était la rigidité des câbles et m’ont demandé de modeler cela, ce que j’ai fait. J’ai trouvé les formules et calculé que ce n’était qu’un facteur mineur et pas la raison pour laquelle le tirage était si difficile. J’ai aussi découvert que l’effet de cabestan des ondulations de conduit était la véritable nuisance. Cela m’a amené à rechercher le soufflage de câble comme méthode d’installation. La suite de l’histoire, on la connaît.
Q. Votre article de 2022, « Cable Blowing – 35-Year Historical Review », indique que British Telecom a développé la « technique de la fibre soufflée » en 1982. Dans quelle mesure votre technologie est-elle différente de cela ? Comment avez-vous contribué à faire avancer la technologie ?
R. En effet, British Telecom a inventé la fibre soufflée. L’astuce était d’avoir un flux d’air à grande vitesse dans le conduit le long de l’élément en fibre flexible. Cela générait une traînée uniforme sur toute la longueur du câble, ce qui constituait une force de propulsion qui compensait, localement, la friction due à la gravité. Cela évitait l’accumulation de tension dans le câble, et il n’y avait pas d’effet de cabestan, exactement ce dont nous avions besoin. Mais personne n’a jamais pensé qu’il serait possible de souffler un vrai câble, car on considérait que seuls les éléments en fibre légers et flexibles pouvaient être installés par soufflage. Et il n’était pas possible de pousser des éléments en fibre aussi flexibles à cause du risque de dégâts. Un détecteur stoppait la machine lorsqu’il percevait que la poussée entraînait une déformation. J’ai calculé qu’il serait en fait possible de souffler de vrais câbles et qu’il y avait aussi un avantage à pousser le câble que j’ai trouvé dans le premier test, ce que j’expliquerai plus tard.
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Nous avons testé ma théorie à Kootwijk, aux Pays-Bas, dans une station de radio des PTT néerlandaises. Ils avaient quatre boucles de conduits dans un champ d’essai utilisé précédemment pour tester quatre cabestans en 8 en cascade. J’ai estimé que nous pouvions passer deux boucles en soufflant. Tout le monde a dit que ce n’était pas possible, qu’on avait déjà essayé et que cela avait échoué. Mais leur technique impliquait un piston à l’extrémité, donc aucune force de traînée distribuée de flux d’air à grande vitesse pour surmonter la friction de la gravité et éviter l’accumulation de force axiale, évitant ainsi l’effet de cabestan. De plus, aucune poussée mécanique n’était effectuée pour amener le câble dans la zone de pression, la force de contre-pression n’était donc pas compensée et l’effet de cabestan était déjà important dès le départ. Donc en effet, cela ne pouvait pas marcher.
Mon idée était d’éliminer le piston, comme dans la fibre soufflée de BT et de pousser le câble lorsqu’il est soufflé. Nous devions faire cela à la main, car il n’existait pas de machine alors, évidemment. Quatre personnes poussaient à tour de rôle. J’étais l’une d’elles. C’était très dur et on s’est beaucoup plaint. Mais après que l’on ait soufflé à travers la première boucle, les sceptiques se sont tus. Et quand deux boucles ont été franchies, ils criaient au miracle.
Le fait qu’ils parlent de miracle indiquait que c’était une chose nouvelle et qui avait déjà le potentiel pour un brevet. C’était une réussite inattendue, mais pas pour moi, car je l’avais calculée. Nous avons continué de souffler et avons réussi à passer la troisième boucle, puis même la quatrième. C’était alors un miracle pour moi aussi car je ne l’avais pas prévu.
Q. Est-il juste, alors, de dire que vous êtes parti d’une technologie théorique et l’avez transformée en une réalité pratique grâce à de nouveaux calculs, à la modélisation et à l’invention de la machine elle-même ?
R. Ma théorie était que les forces de propulsion dues au soufflage seraient suffisantes pour atteindre deux boucles, et que les câbles rigides ne posaient pas de problème. J’avais modélisé qu’une certaine rigidité était même nécessaire pour permettre la poussée. Ce que j’ai découvert après avoir réussi la troisième et la quatrième boucle, c’est qu’il ne s’agissait pas d’une force de résistance à l’air uniforme comme le suppose British Telecom. Au contraire, comme il est compressible, l’air s’est dilaté vers la fin, gagnant en vitesse et exerçant une force beaucoup plus importante. Les forces de résistance à l’air étaient minimes au début et largement suffisantes à la fin. Ainsi, pour aider le câble en le poussant, en plus de la force nécessaire pour amener le câble dans la zone de pression (en poussant à la main, nous n’avions aucune idée de la force avec laquelle nous poussions), il est possible de combler la première longueur où le soufflage seul n’est pas suffisant pour compenser la friction de la gravité par un certain pourcentage de poussée jusqu’à ce que les forces de traînée du flux d’air en expansion dans le conduit soient suffisamment importantes pour prendre le relais. Ma révélation, et la base du brevet en 1987, a été de réaliser que le soufflage est la synergie entre pousser et souffler. Ce qui est bien le cas. Si le soufflage seul permet d’atteindre 50 % de la longueur et la poussée seulement 25 %, la synergie du soufflage permet d’atteindre 100 %, doublant ainsi la longueur du soufflage seul, tant dans le modèle que dans la pratique.
Q. Et c’est à cette époque que vous avez conçu la première machine à souffler ?
R. Oui, nous avons construit la première machine dans l’atelier, sans dessins. Les essais ont été réalisés sur une vraie installation et la machine a tellement bien fonctionné qu’on ne l’a pas récupérée. Ils ont commandé quatre autres machines à utiliser en tandem pour améliorer la production. Nous avons donc élaboré des dessins et construit quatre machines en deux mois, ce qui me semblait alors très long. J’ignorais encore le temps que ces choses prennent dans la vraie vie.
Nous avons fini par livrer quatre machines, mais nous ne les avons pas récupérées non plus. En fait, on a dû en construire trente autres. Elles sont devenues très rapidement très populaires. En l’espace de quatre mois, plus personne ne tirait de câbles aux Pays-Bas. Une organisation gouvernementale, les PTT néerlandaises, changeait de méthode très rapidement, le besoin était donc manifestement important. La machine à souffler est arrivée au bon moment. C’était une transformation, une technologie révolutionnaire. Et ils étaient très heureux que j’ai inventé la machine CableJet™. J’ai reçu le Diana Award pour cette réussite scientifique.
Q. Quand avez-vous constaté que le processus de soufflage nécessitait une lubrification et qu’est-ce qui vous a amené à la conclusion que les lubrifiants existants étaient insuffisants ?
R. L’huile de paraffine était déjà utilisée pour le tirage de câble aux Pays-Bas, donc c’est ce que nous avons commencé par utiliser pour le soufflage aussi. Je me souviens que pour le tirage, on utilisait une boîte rudimentaire remplie de mousse imbibée d’huile de paraffine. Le câble était traîné à travers la boîte pour appliquer le lubrifiant, mais cela ne fonctionnerait pas pour souffler car il était déjà difficile de pousser un câble sec, alors imaginez pour un câble lubrifié. Il était impossible de le tenir. Ce que nous avons fait à la place, c’est simplement verser de l’huile dans le conduit où elle se répandait sous l’action du flux d’air, et cela a fonctionné un peu, mais seulement jusqu’à 700 mètres avec les câbles de l’époque, qui sont différents de ceux d’aujourd’hui, bien sûr.
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Le premier problème que nous avons rencontré avec l’huile de paraffine était en Espagne avec la liaison Madrid-Séville pour l’exposition universelle. La licence mondiale exclusive pour la machine à souffler CableJet™ avait été vendue à Plumettaz S.A. et ils construisaient le prototype. La machine, toujours celle des PTT, fonctionnait bien dans les essais sur le terrain à Madrid, mais pas dans les installations réelles. Le câble s’arrêtait prématurément. Gerard Plumettaz pensait que la répartition du lubrifiant était insuffisante, il s’est donc rendu à l’extrémité du conduit pour voir ce qui se passait. Il s’est glissé dans le regard et a commencé par mettre sa main sur l’extrémité du conduit. Il pouvait sentir qu’il n’y avait pas de lubrifiant qui se voyait normalement sous la forme d’une brume. Mais l’air ressortait sec. Le conduit en Espagne était plus grand que celui des Pays-Bas et le problème a été résolu en versant trois fois plus de lubrifiant et en l’étalant assez rapidement. L’installation fut réalisée avec succès, mais toujours avec une distance de soufflage maximale de 700 mètres. Notre but ultime était bien sûr d’étendre la longueur de l’installation, mais ça n’était simplement pas possible avec de l’huile de paraffine.
Q. Le défaut de l’huile de paraffine résidait donc dans son application ?
R. Nous avons constaté que nous pouvions distribuer l’huile plus rapidement en en utilisant davantage, mais que la distance de soufflage restait limitée. Nous avons également constaté qu’avec le temps, le résidu d’huile de paraffine devenait collant. C’était un vrai problème par la suite si le client voulait souffler plus de fibres ou de microconduits pour profiter d’un pourcentage de remplissage de conduit plus élevé. Le résidu collant limitait la distance sur laquelle nous pouvions souffler.
Nous avons également essayé de souffler avec le lubrifiant de tirage Polywater® J ou Polywater® F, je ne me souviens plus lequel, parce qu’il était considéré comme le meilleur au monde. Nous nous attendions à de bons résultats parce que nous sentions le matériau avec nos doigts et pensions que vu comme il était glissant, il devait être excellent. Mais lorsque nous l’avons essayé, le câble s’est arrêté net. Nous sommes encore allés à l’extrémité du conduit, mais cette fois-ci, non seulement il n’y avait pas de lubrifiant qui sortait, mais il n’y avait pas non plus d’air. Nous avons attendu et finalement, il y a eu un bruissement et une grosse quantité de mousse lubrifiante est sortie et a presque atteint les rails de chemin de fer voisins. Nous avons plaisanté, disant qu’un train déraillerait peut-être. L’air comprimé avait transformé le lubrifiant en mousse, c’était un gros bazar. Donc, nous avons compris que les lubrifiants de tirage n’étaient pas adaptés et qu’il fallait un lubrifiant spécial pour optimiser la distance d’installation.
Q. Comment êtes-vous entré en contact avec Polywater quand vous cherchiez de l’aide concernant des lubrifiants spéciaux ?
R. Je suis entré en contact avec Polywater pour la première fois en 1987. J’ai rencontré John Fee*** lors de l’International Wire & Cable Symposium d’Arlington, en Virginie. Il était là pour présenter un article sur la combustibilité des résidus des lubrifiants de tirage. J’ai discuté avec lui du soufflage de câble, que nous avions déjà mis en œuvre, mais je n’ai pas pu le lui présenter cette année-là à la conférence car la date d’échéance du résumé précédait le dépôt du brevet. Il m’a emmené voir un vrai tirage de câble près de Washington D.C. Ce fut mon premier contact avec John. Il était très intéressé par la technologie et son potentiel d’amélioration. Cela a donné lieu, après « l’incident de la mousse » et avec l’implication de Gerard Plumettaz, à la naissance du lubrifiant pour soufflage de câble, commercialisé sous le nom de Polywater® Prelube 2000™, qui fut suivi peu après par le lubrifiant pour soufflage CJL de Plumettaz, qui était chimiquement similaire. Cela a permis un extraordinaire bond en avant dans les longueurs d’installation de câbles.
Q. Avez-vous aidé Polywater à définir les paramètres sur ce que ce lubrifiant spécial devait pouvoir faire ?
R. Je n’ai fait que décrire le problème. Nous savions qu’il y avait un problème avec l’utilisation des lubrifiants pour tirage de câble à cause de la mousse et j’ai signalé ce problème à John.
Q. Avez-vous été impliqué dans la phase de test des prototypes de lubrifiants de Polywater ?
R. Pas vraiment lors de la phase centrale d’élaboration. La plupart des interactions avaient lieu entre Plumettaz et Polywater. J’étais toujours en contact avec Plumettaz, mais je travaillais sur d’autres projets. Plumettaz a trouvé que Polywater Prelube était le meilleur des lubrifiants. Ils ont développé la technique qui consiste à étaler le lubrifiant en soufflant un piston de mousse dans le conduit pour une meilleure distribution. Polywater a livré le produit et Plumettaz a conçu le procédé. Plus tard, bien sûr, j’ai été très impliqué dans la lubrification lorsque j’ai inventé le système lubrifiant pour la machine à souffler. C’était une invention de Draka et je travaillais là-bas à l’époque. Je suis allé chez Polywater dans le Minnesota avec Maya Kreijzer en conjonction avec ce projet. Je garde un bon souvenir de John Fee nous emmenant pêcher sous la glace sur un lac gelé. Il faisait très froid.
Q. Dans quelle mesure l’utilisation d’un lubrifiant est-elle essentielle à la réussite du soufflage de câble ?
R. C’est absolument primordial. Sans une lubrification appropriée, les distances de soufflage seraient limitées à peut-être un tiers de ce qui est couramment réalisé aujourd’hui. Même dans les microconduits avec des revêtements à faible friction, vous pouvez constater un gain de distance de 50 %. Le soufflage n’est tout simplement pas pratique sans le lubrifiant spécial et son utilisation adaptée. Ce n’est pas recommandable en tous cas.
Q. L’industrie aurait-elle adopté la technologie du soufflage sans l’élaboration simultanée d’un lubrifiant spécial pour le soufflage ?
R. Probablement pas dans ces proportions. C’est une question hypothétique, bien sûr, mais il est difficile d’imaginer une chose devenir aussi populaire en étant deux à trois fois moins efficace. D’autant plus lorsque la « concurrence » du tirage utilisait le lubrifiant de Polywater.
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Q. Quelles sont les conséquences potentielles d’une mauvaise ou inadéquate lubrification lors du soufflage ?
R. Il existe des alternatives au Plumettaz CJL ou MJL et au Polywater Prelube sur le marché, mais elles ne servent qu’à économiser des bouts de chandelles. Essayer de souffler un câble sans lubrifiant pour autre chose qu’une très petite distance est tout aussi ridicule. Il est impossible de souffler le câble assez loin. Il reste coincé. Il faut alors creuser. Cela revient très cher et toutes les économies réalisées sur l’achat du lubrifiant s’évaporent très vite. Ces lubrifiants sont une assurance bon marché. Nous adorons ces petites bouteilles.
Q. Selon vous, les lubrifiants Prelube et CableJet répondent toujours aux besoins actuels du soufflage de câble ?
R. Oui, ce sont les meilleurs du marché. Je suis physicien, pas chimiste. Je ne connais pas les secrets de la formulation, mais nous avons testé plusieurs lubrifiants et ceux-là sont toujours en tête, la crème de la crème des lubrifiants pour le soufflage. Toutefois, il importe de choisir le bon. Il est difficile d’étaler un lubrifiant visqueux dans un microconduit, par exemple. Des lubrifiants spéciaux pour microconduits sont formulés avec moins de viscosité et une formule chimique spéciale qui leur permet de recouvrir davantage dans cette condition unique de soufflage.
Q. Quelle part du succès de l’étalement du lubrifiant dans les microconduits attribuez-vous au lubrifiant lui-même comparé à vos applicateurs Plumettaz ?
R. Je ne sais pas, mais il est clair que les meilleures performances sont obtenues en utilisant les deux. Le lubrificateur offre une assistance mécanique en distribuant un film très fin de lubrifiant sur le câble, et le lubrifiant offre une contribution d’un point de vue chimique. La viscosité du lubrifiant joue un rôle central.
Nous avons vérifié ce problème de viscosité en soufflant du lubrifiant avec un piston en mousse dans un conduit de 1 500 mètres. Nous avons ensuite prélevé des échantillons tous les 100 mètres pour analyser la lubrification, qui était parfaite sur les 300 premiers mètres, mais qui diminuait ensuite. Au bout de 400 mètres, elle était fortement réduite, et après cela, il n’y avait plus du tout de lubrifiant distribué. La solution pour ces longues installations était un piston en mousse plus grand avec plus de lubrifiant. Nous appelons cela de la lubrification riche. Nous en appliquons suffisamment pour que, bien que du lubrifiant soit déposé tout au long du conduit, il en reste encore un peu à l’extrémité lorsque le piston sort du conduit. Il y a alors une longue colonne visqueuse de lubrifiant dans le conduit, peut-être deux mètres de long, et il faut donc du temps pour la faire passer sous pression. Il ne faut le faire qu’en cas de réel besoin.
Je me souviens que nous en avons fait la démonstration pour un client à Stockholm, et nous avons attendu et attendu, nous avons même pris une pause déjeuner, que le piston en mousse ressorte à l’extrémité du conduit avec le lubrifiant. Finalement, le piston est sorti et nous avons pu souffler un câble à l’intérieur en une fraction de seconde. Mais nous n’avons plus jamais entendu parler de ce client. Il ne s’est rappelé que du processus de lubrification.
Q. Votre article écrit en 2012 : « Cable in Duct Installation: Lubrication Makes the Difference » mentionne la charge statique électrique et les bouchons de condensation comme facteurs limitant la longueur de soufflage, résolus par le choix du lubrifiant. Pouvez-vous expliquer ces termes ?
R. Nous avons découvert que lorsque le câble se déplace dans le conduit, il génère une charge électrique statique. Cette charge pousse le câble contre la paroi intérieure du conduit, ce qui augmente la friction. Cela dépend de la vitesse de l’installation, donc plus le câble se déplace rapidement, plus la charge est importante. Dans une certaine mesure, nous pouvions contrôler ce phénomène en réduisant la vitesse de soufflage. Bien que nous n’ayons pas étudié ce phénomène en profondeur, nous avons découvert que l’application de lubrifiant avec l’applicateur CableJet éliminait la charge, le problème était donc résolu. Nous n’avons pas eu à chercher pourquoi cela fonctionnait. Nous savions simplement que cela fonctionnait.
Les bouchons de condensation se produisent avec les petits câbles si vous utilisez un compresseur d’air sans post-refroidisseur. L’humidité joue aussi un rôle. L’air peut être très moite. En se condensant, l’eau s’accumule et se colle aux parois internes du tube en polyéthylène, ce qui ajoute de la tension. Il crée une action capillaire et colle pour ainsi dire les petits câbles à la paroi du tube, ce qui augmente la friction. Mais là encore, l’utilisation d’un lubrifiant spécial par le biais de l’applicateur CableJet élimine le problème, surtout avec un post-refroidisseur (sinon, vous risquez d’avoir de grandes quantités d’eau, ce qui affecte encore le soufflage de manière négative). Il n’y a alors pas lieu d’y prêter trop attention.
Q. Toutes les machines à souffler Plumettaz intègrent-elles désormais des lubrificateurs et des réservoirs spéciaux pour s’adapter à ces méthodes de lubrification optimales ?
R. Malheureusement, il y a encore des clients qui doivent découvrir les avantages de ces fonctions supplémentaires. Je ne connais pas le pourcentage de machines que nous vendons avec des lubrificateurs, mais ce pourcentage peut et doit augmenter, surtout pour l’installation de petits câbles. Même si nous ne disposons pas d’un lubrificateur de câble que l’on peut installer dans toutes les machines, nous en avons un pour chaque machine, simplement en les mettant « en ligne » dans le conduit immédiatement après la machine à souffler.
Q. Polywater possédait l’une des premières machines Plumettaz aux États-Unis à des fins de développement de lubrifiants, et un grand fabricant de câbles nous a contactés pour s’assurer que la machine était adaptée à leur câble. Bien sûr, c’était le cas. Après toutes ces années, les fabricants de câbles requièrent aujourd’hui que les nouveaux câbles soient adaptés au soufflage. En d’autres termes, les machines étaient autrefois conçues pour les câbles. Aujourd’hui, les câbles sont conçus pour les machines.
R. C’est une observation intéressante. La boucle est bouclée. Bien sûr, il faut toujours avoir la machine adaptée au câble. Par exemple, la Plumettaz SuperJet™ dispose d’un réglage à trois positions pour un contrôle correct de la pression des parois latérales. Trop de pression des parois latérales peut dépasser la résistance à l’écrasement du câble. Nos concurrents ne proposent pas cela.
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Q. Les critères de performance d’un bon lubrifiant de soufflage ont-ils changé avec le temps ?
R. Je ne pense pas que les paramètres de base aient changé. Le lubrifiant doit réduire de manière significative la friction hydrodynamique et limite. Il doit non seulement réduire la tension initiale, mais aussi offrir une performance sur le long terme. En d’autres termes, il ne peut pas sécher car il est soufflé loin dans le conduit avec tout cet air. Évidemment, il doit être compatible avec le câble et le conduit. Il doit s’appliquer facilement avec les lubrificateurs. Il doit présenter une faible toxicité pour les travailleurs et un faible niveau d’impact sur l’environnement. Il doit éliminer la charge statique et aider à éviter les bouchons de condensation. Il ne doit pas mousser. Et on ne peut pas se contenter d’affirmations du fabricant, des rapports de tests doivent être disponibles. Je ne connais pas d’améliorations possibles, si ce n’est de réduire davantage la friction.
Pour ce qui est de savoir si le lubrifiant s’assèche, je crois que vos spécifications indiquent que Prelube conserve 90 % de son pouvoir lubrifiant après évaporation. Nous l’avons également étudié dans le cadre de notre expérimentation la plus difficile pour le CERN, où les câbles installés devaient être retirés et remplacés par de nouveaux câbles par soufflage, parfois même un an plus tard, et après avoir reçu une forte radiation. Quels ont été les résultats, à votre avis ? Le soufflage était encore plus efficace, pour sortir et pour entrer ! Donc, un lubrifiant avec des résidus séchés glissants est formidable.
Q. Quel est le pourcentage de câbles installés par soufflage comparé au tirage, aujourd’hui ?
R. Je ne suis pas un commercial, bien sûr, mais je pense qu’aux États-Unis, seulement la moitié des câbles sont soufflés, mais ailleurs dans le monde, nous trouvons des pays où presque 100 % des câbles sont soufflés, alors que d’autres pays doivent encore adopter cette méthode. Quoi qu’il en soit, vous trouverez des câbles soufflés partout sur la planète, de l’Islande à l’Afrique du Sud, dans des régions prisées par les touristes comme les îles Fidji ou dans les conditions les plus difficiles de l’Alaska. En Europe, une très grande partie de câbles à fibre optique ne sont plus tirés. Le soufflage est devenu la méthode d’installation prédominante. C’est un énorme succès.
Le soufflage présente d’autres avantages que des installations plus longues. C’est une méthode plus facile. Tous les équipements peuvent rester à une extrémité du conduit. Il n’y a pas besoin d’installer de tête de câble. Beaucoup de choses ne sont plus nécessaires. On peut rester à un seul endroit et souffler dans toutes les directions nécessaires. C’est beaucoup plus simple.
Q. Cela fait maintenant environ 35 ans que vous avez inventé la machine à souffler. Quel est l’état du soufflage de câble, aujourd’hui ?
R. Il y a, bien sûr, beaucoup plus de soufflage de câble que par le passé. La technologie a complètement transformé l’installation de câble. La plupart des développements aujourd’hui visent à créer des machines intelligentes. Cela implique la collecte de données tout au long de l’installation, telles que la pression de l’air, la force de poussée, le glissement du câble, etc. Surveiller et enregistrer, voilà le nouveau paradigme. Les machines intelligentes intègrent également des capteurs qui arrêtent l’installation si, par exemple, une force de poussée établie est dépassée ou si un glissement de câble se produit. Nous avons parcouru beaucoup de chemin. Plumettaz fabrique désormais les machines à souffler IntelliJet™ et OptiJet™ qui sont livrées avec un ordinateur intégré et un logiciel embarqué connecté sur le terrain à une plateforme IoT avec des services numériques supplémentaires. Nous travaillons sur de futures machines entièrement automatiques. On appuie sur un bouton et voilà, la machine choisit les bons paramètres. Elle crée automatiquement une harmonie entre la pression de l’air et la force de poussée mécanique pour surmonter la contre-pression. D’autres progrès sont à venir.
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Q. Votre article de 2022 mentionne une installation par soufflage de 5,3 km. Pensez-vous qu’il s’agit toujours du plus long soufflage ininterrompu connu ?
R. À ma connaissance oui, mais je crois que c’était un soufflage en descente assisté quelque peu par la gravité. Bien sûr, au début, nous ne pouvions réaliser que 175 mètres. Au moment où j’ai écrit mon article sur la lubrification en 2012, le record était de 3,7 km. C’est une amélioration incroyable. Mais la distance n’est pas la seule amélioration. Le nombre de fibres a augmenté et le taux de remplissage des conduits est passé de 30 % à 80 %. Si l’on combine l’allongement des distances et l’augmentation de la capacité des fibres, la technologie du soufflage a connu une évolution stupéfiante. Par exemple, les premiers câbles soufflés aux Pays-Bas ne contenaient que 6 fibres et les conduits étaient répertoriés comme pleins. Beaucoup plus tard, lorsque les besoins en capacité ont augmenté, deux microconduits de 10/8 mm ont été soufflés sur l’ancien câble et, dans ces microconduits, deux câbles de 96 fibres chacun, soit une amélioration de 3 200 %. Par ailleurs, les nouveaux câbles ont pu être soufflés dans les microconduits avec des longueurs de 1 500 mètres en une seule fois, contre 700 mètres pour le câble initial qui disposait de beaucoup plus d’espace dans les conduits.
Q. Willem, vous avez assurément eu un impact considérable sur la technologie des installations de câbles et sur l’industrie dans son ensemble. Nous espérons que la postérité reconnaîtra les contributions que vous avez apportées et vous rendra hommage comme le pionnier que vous êtes. Merci d’avoir pris le temps de discuter avec nous aujourd’hui.
R. Le plaisir était pour moi. Merci de m’avoir reçu.
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* Fondée en 1575 aux Pays-Bas, une des plus prestigieuses universités de recherche internationales d’Europe.
** Posterijen, Telegrafie en Telefonie (en français : Poste, Télégraphie et Téléphonie)
*** John Fee était alors président et directeur technique chez Polywater.
Ressources associées :
Willem Griffioen. 2012. Cable in Duct Installation: Lubrication Makes the Difference.
Willem Griffioen. 2022. Cable Blowing — 35-Year Historical Review